Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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Nous pleurons larmes de boue et de sang

Brumadinho 26.01.2019 REPAM Traduit par: Jpic-jp.org

La récente tragédie qui a eu lieu au Brésil est bien connue, mais le message des Eglises du réseau sur l’exploitation minière (REPAM) l’est moins.

Les Eglises du réseau sur l’exploitation minière (REPAM) pleurent avec les victimes du crime socio-environnemental de Brumadinho, Minas Gérais (Brésil) et disent, Non à l’impunité !

Nous écrivons en faveur de cette communauté souffrante que nous connaissons bien, et que nous visitons de nouveau aujourd’hui, après avoir célébré avec elle, plusieurs fois et par des marches, la vie et la résistance à l’expansion de l’exploitation minière.

Au moment où nous embrassons le petit Brumadinho, nous écrivons aussi en faveur des nombreuses communautés latino-américaines en larmes, souffrant à cause de l’arrogante violence de l’extractivisme.

Nous sommes solidaires avec les familles des victimes et avec les communautés de foi, qui auront à faire face à la difficile tâche de reconstruire l’espoir. Nous nous joignons aussi à l’archidiocèse de Belo Horizonte qui, en suivant l’enseignement de l’évangile, a qualifié la tragédie « d’abomination de la désolation », se référant aux « absurdités provoquées par le soif du gain et le mépris de l’autre, de la vérité et du bien commun ». Nous continuons à accompagner et à soutenir les Eglises présentes dans les territoires touchés par l’exploitation minière, et par les conflits entre les compagnies d’extraction et les communautés (le Brésil à lui seul compte plus de soixante-dix diocèses où ces conflits ont été registrés).

L’impunité consolide le crime

La compagnie VALE SA, conjointement avec BHP Billiton, étaient déjà responsables de dix-neuf morts et de la pollution de l’ensemble du bassin de la rivière Doce, survenus le 5 novembre 2015. Les mêmes dégâts se répètent maintenant, trois ans plus tard, avec un indice de décès beaucoup plus sérieux, ce qui confirme leur incapacité de gestion et de prévention des dégâts, leur désintérêt et leur comportement criminel.

Cette responsabilité touche aussi à l’État, qui accorde la licence à des projets d’extraction, sans les surveiller pour garantir la sécurité et une vie digne aux communautés et la protection de l’environnement. La responsabilité de l’État est double, car l’impunité et le manque de dédommagent complet et suffisant pour les victimes du crime de la Marine en 2015 sont les principaux préalables qui ont permis le nouveau crime de Brumadinho.

Les portes tournantes

Bras dessus bras dessous, les sociétés minières avec leurs capitaux et la politique avec son pouvoir facilitent l’installation ou l’expansion de larges projets extractifs, en minimisant les conditions et règles pour en obtenir des licences correspondantes. La « Córrego do Feijão » (La mine de fer de Brumadinho) dont le dépôt de déchets toxiques s’était cassé, a néanmoins obtenu en décembre 2018 une licence environnementale pour l’expansion en 88% de ses activités. Au conseil de politique environnementale de l’État de Minas, seul le Forum National de la Société Civile sur la gestion des bassins hydrographiques (FONASC) a voté contre cette expansion, dénonçant les mécanismes « insensés » qui réduisent les conditions au moment d’accorder les licences aux grands projets miniers.

Les désastres causés par le comportement irresponsable des compagnies alliées au pouvoir public ne peuvent donc pas être appelés des « accidents environnementaux ».

Une société civile organisée mais pas écoutée

Depuis 2011, la population de Brumadinho et de la région a dénoncé de manière organique la mine, ses impacts et ses menaces. Le FONASC, en décembre 2018, a envoyé un communiqué écrit et officiel au secrétaire d’état chargé de l’environnement, en demandant la suspension de la concession à la mine « Córrego do Feijão ». L’organisation internationale des victimes du Vale a dénoncé pendant l’assemblée générale des actionnaires de la compagnie « les dangers du procédé qui réduit continuellement les dépenses et les coûts d’opérations », en mentionnant explicitement les divers dépôts des déchets.

Les responsables de ces crimes ne peuvent pas se justifier en invoquant l’ignorance. Tout au contraire, au nom du progrès et du profit de quelques-uns, est en cours une disqualification systématique des différents appels.

Nous répétons avec énergie les paroles de l’encyclique Laudato Si’ du Pape François : « A la table de discussion, les populations locales doivent avoir une place privilégiée ; à eux, il faut demander ce qu’ils veulent pour eux et pour leurs enfants, car sont eux qui peuvent promouvoir des objectifs qui transcendent l’intérêt économique immédiat » (LS 183).

Double-le jusqu'à ce qu’il casse

Le nouveau président élu du Brésil, en réponse aux pressions des ceux qui ont financé sa campagne, a proclamé son intention de rendre le contrôle environnemental et les licences aussi flexibles que possible. Il a critiqué la présumée « raffinée industrie de l’environnement » ; son gouvernement a dépouillé de ses pouvoirs les responsables de l’environnement, suspendu les contrats avec les ONG engagées dans la défense de l’environnement, fermé les secrétariats qui travaillaient pour une politique publique contre le réchauffement climatique.

Les gouvernements précédents avaient également facilité l’expansion incontrôlée de l’exploitation minière dans le pays, en promouvant le plan minier national et reformulant par décret, le cadre juridique de l’exploitation minière. Les récents évènements ont cruellement démontré que ces politiques sont un suicide collectif et une menace pour les générations à venir.

Ce modèle de croissance est insoutenable et mortel ; on ne peut pas soumettre au chantage les personnes qui, dans les régions contrôlées par l’exploitation minière, ont besoin d’emplois pour survivre sans leur garantir sécurité, santé et bien-être social. « Les problèmes ne sont pas résolus par le seul accroissement des bénéfices des entreprises ou des individus ».  « Il ne suffit pas de concilier, au moyen terme, la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l’environnement et le progrès. Sur ces questions, le moyen terme ne fait que retarder un peu la faillite finale. Il s’agit plutôt de redéfinir ce qu’on appelle progrès » (LS 190, 194).

Faux dialogues

Les entreprises et les gouvernements appellent souvent les communautés à une médiation des conflits par « le dialogue ». Elles sollicitent même les Eglises comme intermédiaires pour donner une plus grande crédibilité à ces processus.

Elles s’investissent, en tant qu’institutions, dans des médiations extrajudiciaires et dans le changement des comportements pour obtenir plus facilement la conclusion des procès à leur charge et des dédommagements pour les dégâts contre l'environnement moins lourds et plus rapides.

L’absence d’application des mesures d’allègement et de dédommagement, la négligence à prévenir de nouvelles catastrophes et la répétition de pratiques irresponsables et criminelles confirment que cette façon de procéder n’est pas un dialogue, mais une stratégie des compagnies pour séduire l’opinion publique, en se garantissant une sorte de permis public à polluer, pour réduire la résistance des gens et pour éviter d’être appelé à se « convertir » à la durabilité et au bien commun.

Plus qu’à ce « dialogue » asymétrique et irrespectueux, nous faisons confiance aux règles démocratiques sur la protection de l’environnement et sur les droits des populations, ainsi qu’aux autorités qui doivent contrôler efficacement leur respect et punir ceux qui les violent. Nous demandons un traité international qui obligent les entreprises à respecter les droits de l’homme, et une autorité judiciaire responsable, efficace et rapide contre ceux qui parient sur l’impunité ou, tout au plus, sur la légère incidence financière de amendes rarement appliquées.

Le crime socio-environnemental n’est pas un accident.

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