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La 'doctrine de la découverte'

Butembo 25.04.2023 Jpic-jp.org Traduit par: Jpic-jp.org

En mars passé, le Dicastère pour la Culture et l’Éducation et le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral publiaient une note commune sur la ‘Doctrine de la découverte’ où on affirme que cette doctrine « ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique ».

Qu’est-ce que la doctrine de la découverte ?

C’est un concept politico-juridique qui fait son apparition quand des pays occidentaux, surtout Portugal et Espagne, arrivent au XVIe siècle dans les pays ‘découverts’ par Christophe Colombe qu’on s’imagina appeler Nouveau Monde. Ce concept sera utilisé surtout à partir du XIXe siècle. Cette soi-disant ‘doctrine’ affirme que la ‘découverte’ de nouvelles terres confère à ceux qui les découvrent le droit exclusif de s’approprier ces terres. Cela implique l’idée sous-entendue que personne n’en était avant le propriétaire tandis qu’en réalité presque toutes les terres qu’on prétend découvrir sont déjà occupées par d’autres, le cas échéant, elles l’étaient par les peuples autochtones. On a vu le même phénomène dans la conquête de l’ouest nord-américaine, rendue célèbre par d’innombrables films, où les gens partaient occuper autant de terre qu’ils pouvaient avant que d’autres n’arrivent : d’autres colonisateurs bien-sûr car les indigènes étaient déjà là, oubliés et laissés pour compte.

Plusieurs travaux d’historiens estiment que trois documents du XVIe siècle, des Papes Nicolas V et Alexandre VI, ont été utilisés pour justifier ce concept. Il s’agit des bulles Dum Diversas (1452) qui autorisait le roi du Portugal à prendre possession des terres qu’il avait découvertes en Afrique et en Amérique, Romanus Pontifex (1455) qui autorisait tout monarque chrétien à prendre possession de terres non chrétiennes, Inter Caetera (1493) qui partageait le ‘Nouveau Monde’ entre Espagnols et Portugais.

Cette note commune des dicastères pour la Culture et l’Education et pour le Service du Développement Humain Intégral a été publiée le 30 mars 2023. Exactement un an après qu’une délégation de Premières Nations, d’Inuits et de Métis, fut reçue au Vatican où, parmi les revendications présentées à l’Église catholique, leurs représentants ont demandé au Saint-Siège d’abolir les trois textes en question, ce que d’ailleurs faisaient depuis des années des organisations catholiques engagées pour la défense des peuples indigènes dans le Forum Permanent des affaire indigènes à l’ONU.

On n’abolit pas ce qui n’existe plus

La note affirme que « La ‘doctrine de la découverte’ ne fait pas partie de l'enseignement de l'Église catholique. La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n'ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique ».

C’est ce que le cardinal Michael Czerny, préfet du dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral interrogé par des journalistes, a tenu à souligner en expliquant que ces documents sont des « décrets circonstanciels » révolus, car l’Église catholique a rejeté depuis longtemps tous les concepts qui, comme la ‘doctrine de la découverte’, « ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples autochtones ».

La Bulle Sublimis Deus de 1537 du Pape Paul III

La note rappelle que « Des déclarations nombreuses et répétées de l'Église et des papes défendent les droits des peuples autochtones. Par exemple, dans la Bulle Sublimis Deus de 1537, le Pape Paul III a écrit : ‘Nous définissons et déclarons [...] que [, ...] lesdits Indiens et tous les autres peuples qui seront découverts plus tard par les chrétiens, ne doivent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s'ils ne sont pas de foi chrétienne ; et qu'ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul et sans effet’ ». On peut dire que cette bulle abrogeait formellement les trois précédentes. « On n’abolit pas ce qui n’existe plus ». La note des deux dicastères romains apporte, d’ailleurs, son soutien à la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones, signée en 2007, et encourage la ‘mise en œuvre’ de ses principes.

De nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants

« En même temps – affirme le document-, l'Église reconnaît que ces bulles pontificales n'ont pas reflété de manière adéquate l'égale dignité et les droits des peuples autochtones. L'Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l'encontre des peuples autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s'y opposent. Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d'assimilation et la douleur éprouvée par les peuples autochtones, et de demander pardon ».

Ce qu’ont fait à mainte reprise le pape Jean Paul 2 et le Pape François dernièrement au Canada, où l’Église catholique a joué un rôle entre 1883 et 1969 dans la gestion des pensionnats, un système que le gouvernement canadien avait adopté dans sa politique forcée d'assimilation à l’encontre des enfants autochtones. Toutefois, le cardinal Czerny, qui est canadien, a rappelé que les trois bulles en question étaient adressées au Portugal et à l’Espagne, sans « connexion historique entre ce dont elles parlent et ce qui est effectivement arrivé au Canada ou dans l’est des États-Unis ». D’ailleurs, a-t-il affirmé l’expression ‘doctrine de la découverte’ n’a pas été créée par l’Église catholique, mais par le pouvoir juridique des États-Unis.

En répondant aux journalistes dans l’avion du retour du Canada, le pape François faisait observer à propos de la ‘doctrine de la découverte’ qu’elle était toujours d’actualité dans les « colonisations idéologiques d’aujourd’hui ». Il y a souvent « cette mentalité selon laquelle nous sommes supérieurs et que les autochtones ne comptent pas », en se référant implicitement aux organisations internationales qui « mettent des conditions même législatives et colonialistes » pour accorder des crédits à certains pays.

Voir dans son intégralité et en plusieurs langues le Joint Statement of the Dicasteries for Culture and Education and for Promoting Integral Human Development on the “Doctrine of Discovery”

Photo. Le pape François rencontre des populations et des communautés autochtones lors de son pèlerinage pénitentiel au Canada en juillet 2022 © Getty Images.

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