Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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L'Amérique latine a sous-estimé les inégalités

Santiago del Cile 28.11.2019 ECLAC, comunicato stampa Traduit par: Jpic-jp.org

Ce qui se passe au Chili, au Venezuela, en Equateur, en Bolivie n'est que la pointe de l'iceberg d'une agitation sociale qui, sous les cendres, commence à fumer et à s'enflammer. Une composante des convulsions et des mouvements qui génèrent les grands changements qui se produisent dans le monde. La CEPALC dans son Social Panorama of Latin America 2019 (Panorama social de l'Amérique latine 2019) met le doigt dans la plaie.

« Depuis près d'une décennie, la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a mis l'égalité comme base du développement. Aujourd'hui, nous confirmons une fois de plus l'urgence d'aller de l'avant dans la construction d'États-providence, fondés sur les droits et l'égalité, qui offrent aux citoyens, hommes et femmes, un accès à des systèmes de protection sociale complets et universels et à des biens publics essentiels, tels qu'une santé de qualité et l'éducation, le logement et le transport. L'appel est lancé pour forger des pactes sociaux pour l'égalité », a déclaré Alicia Bárcena, secrétaire exécutif de la CEPALC régionale lors du lancement du rapport Panorama social de l'Amérique latine 2019.

Une diminution des inégalités dans les revenus est essentielle pour viser la réduction de la pauvreté et atteindre les cibles établies dans l’objectif N°1 du développement durable de l'Agenda 2030. « La croissance est nécessaire pour rejoindre l'égalité et l’égalité est nécessaire pour la croissance. Vaincre la pauvreté dans la région nécessite non seulement une croissance économique ; elle doit aussi s'accompagner de politiques de redistribution et d'une politique budgétaire incisive », déclare la CEPALC dans l'étude présentée lors d'une conférence de presse à Santiago du Chili.

Le document met l'accent sur la croissance des couches à revenu intermédiaire, car celles-ci continuent de connaître de nombreux déficits et vulnérabilités, tant en ce qui concerne les revenus qu'en termes d'exercice des droits, prévient la Commission. Entre 2002 et 2017, la couche à faible revenu est passée, en proportion de la population totale, de 70,9% à 55,9% (un pourcentage qui inclut les personnes en situation d'extrême pauvreté, de pauvreté et des couches basses non pauvres). En même temps, la couche à revenu intermédiaire (divisée en intermédiaire inférieur, intermédiaire-intermédiaire et intermédiaire supérieur) est passée de 26,9% à 41,1%. Ainsi, 76,8% de la population d'Amérique latine appartient à des couches à faible revenu ou à revenu intermédiaire inférieur, souligne la CEPALC. Enfin, les personnes appartenant aux couches à revenu élevé sont passées de 2,2% à 3,0% du total.

Plus de la moitié de la population adulte totale appartenant aux couches à revenu intermédiaire en 2017 n'avait pas terminé ses études secondaires ; 36,6% avaient des professions à haut risque de dériver en travail clandestin ou précaire (travailleurs indépendants non professionnels, travailleurs salariés non professionnels dans des microentreprises ou dans les services domestiques). Seulement la moitié de toutes les personnes économiquement actives étaient affiliées ou cotisaient à un système de retraite.

Le destinataire principal du revenu de son travail dans ces couches reçoit en moyenne 664 dollars par mois, tandis que dans les strates basses, ce revenu tombe à 256 dollars. De cette manière, le rapport montre qu'une proportion élevée de la population à revenu intermédiaire connaît des déficits importants en termes d'inclusion sociale et professionnelle et un degré élevé de risque  de tomber dans la pauvreté en cas des changements provoqués par le chômage, une baisse de revenus ou d'autres événements désastreux, tels qu'une maladie grave ou une catastrophe.

En Amérique latine, la tendance enregistrée depuis 2015 se poursuit. La population de la région  en dessous du seuil de pauvreté était de 30,1% en 2018, et 10,7% vivaient dans des situations d'extrême pauvreté. Ces taux, en 2019, montent à 30,8% et 11,5%, respectivement, selon les projections de la CEPALC.

Cela signifie que, selon le Panorama social de l'Amérique latine 2019, environ 185 millions de personnes étaient en dessous du seuil de pauvreté en 2018, dont 66 millions connaissaient une pauvreté extrême. En 2019, le nombre de personnes en situation de pauvreté devrait atteindre 191 millions, dont 72 millions vivraient dans une pauvreté extrême. Il convient de noter que pratiquement toutes les personnes considérées dans la tranche de pauvreté en 2019 le sont dans la pauvreté extrême.

L'augmentation de 2,3 points de pourcentage de la pauvreté entre 2014 et 2018, sur la base de la moyenne régionale, est essentiellement due au Brésil et au Venezuela. Dans le reste des pays, la tendance prédominante au cours de cette même période a été à la baisse, principalement en raison d'une augmentation du revenu du travail des ménages qui disposaient de plus faibles ressources, mais aussi en raison des contributions des systèmes publics de protection sociale et des apports  privés, tels comme les envois de fonds de l'étranger. La pauvreté touche principalement les enfants et les adolescents, les femmes, les indigènes et les personnes d'ascendance africaine, les résidents des zones rurales et les chômeurs.

L’étude de la CEPALC indique que les inégalités dans la répartition des revenus - exprimées dans l’indice de Gini, sur la base d’enquêtes auprès des ménages - ont continué de baisser (en moyenne, elles sont passées de 0,538 en 2002 à 0,465 en 2018 dans 15 pays). Cependant, à un rythme plus lent que les années précédentes : alors qu'entre 2002 et 2014 il a baissé de 1,0% par an, entre 2014 et 2018 la baisse n'a été que 0,6% par an. De plus, si l'indice de Gini est corrigé à l'aide d'autres sources d'information, qui sont mieux à même de saisir le revenu des 1% les plus riches, on constate que les inégalités sont plus importantes et la tendance à la baisse est atténuée par rapport à l'estimation faite sur la base des seules enquêtes auprès des ménages.

Par exemple, au Brésil en 2014, 1% de la population la plus riche du pays  possède 9,1% du revenu global selon les enquêtes auprès des ménages, mais ce pourcentage passe à 27,5% lorsque les informations fiscales sont prises en compte. Au Chili (sur la base des données de 2015), la part du 1% le plus riche pour son revenu total, également mesurée par les enquêtes auprès des ménages, était de 7,5% ; cette proportion augmente à 22,6% sur la base d'informations tirées des dossiers fiscaux et à 26,5% si on considère la richesse nette (actifs financiers et non financiers moins passifs). Parallèlement, en Uruguay (sur la base des données de 2014), les proportions augmentent également : 7,3% (avec enquêtes auprès des ménages), 14% (avec informations fiscales) et 17,5% (dans la richesse nette).

Dans un autre ordre d'idées, le Panorama social de l'Amérique latine 2019 indique que les dépenses sociales des gouvernements centraux sont passées de 10,3% à 11,3% du PIB entre 2011 et 2018, atteignant 52,5% des dépenses publiques totales. L'Amérique du Sud a la moyenne des dépenses sociales la plus élevée de la région (13,2% en 2018), tandis qu'en Amérique centrale, au Mexique et en République Dominicaine, ce chiffre est de 9,1%. Dans les Caraïbes, les dépenses sociales moyennes par rapport au PIB sont plus élevées (12,2%), mais en 2018, elles sont revenues aux niveaux de 2014, avec un poids équivalent à 43,2% des dépenses publiques totales. Ce sont précisément les pays dont les dépenses sociales sont les plus faibles qui font face aux plus grands défis pour atteindre les objectifs de l'Agenda 2030.

Enfin, le document appelle à s'attaquer aux causes structurelles des migrations et à renforcer la coopération multilatérale pour garantir la protection sociale et l'inclusion sociale et professionnelle des migrants dans toutes les étapes du cycle migratoire. Entre 2010 et 2019, le nombre de migrants en Amérique latine et dans les Caraïbes est passé de 30 millions à 40,5 millions, ce qui équivaut à 15% de la population migrante totale du monde. Entre 2000 et 2019, la proportion de déplacés intra régionaux est passée de 57% à 70% du total.

Les envois de fonds jouent un rôle important dans la lutte contre la pauvreté dans plusieurs pays, soutient le document. Au Salvador, au Guatemala,  au Honduras et en République Dominicaine, l'incidence de la pauvreté parmi la population totale serait de 1,5 à 2,4 points de pourcentage plus élevée sans ces transferts d'argent.

Dans le rapport, la CEPALC souligne que des politiques d'inclusion sociale et professionnelle sont nécessaires pour éliminer la pauvreté et réduire les inégalités et la vulnérabilité des couches à revenu faible et intermédiaire. Cela nécessite également un marché du travail garantissant des emplois de qualité et des salaires décents, éliminant les obstacles à l'insertion professionnelle des femmes et renforçant le développement de systèmes de protection sociale complets et universels dans le cadre des États-providence axés sur les droits et l'égalité.

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