Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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« Aimer et Admirer »

Comboni2000 - Spiritualità e Missione 18.06.2023 MJ Traduit par: Jpic-jp.org

Quelques textes pour nourrir le « sursaut spirituel ». La laïcité, La Vérité et le fondamentalisme. Repenser les relations du Religieux et du Politique. Repenser la relation entre religion et spiritualité.

La laïcité. Le philosophe Emmanuel Lévinas présente l’avantage d’avoir développé à la fois une œuvre philosophique et un travail talmudique, fidèle en cela à sa définition « Je pense que l’Europe, ce sont la Bible et les Grecs ».

« Les institutions laïques qui placent les formes fondamentales de notre vie publique en dehors des préoccupations métaphysiques, ne peuvent se justifier que si l’union des hommes en société, si la paix, répond elle-même à la vocation métaphysique de l’homme. Sans cela, le laïcisme ne serait que la recherche d’une vie tranquille et paresseuse, une indifférence à la vérité des autres, un immense scepticisme. Les institutions laïques ne sont possibles qu’à cause de la valeur en soi de la paix entre les hommes. Mieux qu’une condition, formelle ou négative, d’autres valeurs qui seraient positives, la société s’affirme, pour les amis de la laïcité, comme valeur positive et comme valeur primordiale. Cette recherche de la paix peut s’opposer à une religion, inséparable des dogmes. Car les dogmes se révèlent au lieu de se prouver et heurtent les formes de pensée ou de conduite, qui unissent les hommes, pour leur apporter discorde et division. Mais si le particularisme d’une religion se met au service de la paix, au point que ses fidèles ressentent l’absence de cette paix comme l’absence de leur dieu, si la vocation subjective qui distingue le fidèle de ses prochains ou de ses lointains, ne le rend ni tyrannique ni envahissant, mais plus ouvert et plus accueillant – la religion rejoint l’idéal de la laïcité.

Dans le judaïsme, le conflit ne peut surgir parce que, pour lui, le rapport avec Dieu ne se conçoit à aucun moment en dehors du rapport avec les hommes. Le Sacré ne consume pas, ne soulève pas le fidèle, ne se livre pas à la thaumaturgique liturgie des humains. Il ne se manifeste que là où l’homme reconnaît et accueille autrui. À cause de son opposition à cette idolâtrie du Sacré, les auteurs anciens ont pu qualifier le judaïsme d’impie ou d’athée.

La relation éthique, impossible sans justice, ne prépare pas seulement à la vie religieuse, ne découle pas seulement de cette vie, mais est déjà cette vie même. La connaissance de Dieu consiste selon le verset 16 du chapitre 22 de Jérémie « à faire droit au pauvre et au malheureux ». Le Messie se définit, avant tout, par l’instauration de la paix et de la justice – c’est-à-dire par la consécration de la société. Aucun espoir de salut individuel – quels que soient les traits sous lesquels on le rêve – ne se peut, ne se pense en dehors de l’accomplissement social, dont les progrès résonnent, à l’oreille juive, comme les pas mêmes du Messie. Dire de Dieu qu’il est le Dieu des pauvres ou le Dieu de la justice, c’est se prononcer non pas sur ses attributs, mais sur son essence. D’où l’idée que les rapports interhumains, indépendants de toute communion religieuse, au sens étroit du terme, constituent en quelque sorte l’acte liturgique suprême, autonome par rapport à toutes les manifestations de la piété rituelle. Dans ce sens, sans doute, les prophètes préfèrent la justice aux sacrifices du temple. Le prophète ne parle jamais du tragique humain déterminé par la mort et ne s’occupe pas de l’immortalité de l’âme. Le malheur de l’homme est dans la misère qui détruit et déchire la société. Le meurtre est plus tragique que la mort. C’est à l’homme de sauver l’homme : la façon divine de réparer la misère consiste à ne pas y faire intervenir Dieu. La vraie corrélation entre l’homme et Dieu dépend d’une relation d’homme à homme, dont l’homme assume la pleine responsabilité, comme s’il n’y avait pas de Dieu sur qui compter. État d’esprit conditionnant le laïcisme, même moderne. Il ne se présente pas comme résultat d’un compromis, mais comme le terrain naturel des plus grandes œuvres de l’Esprit ». Emmanuel LEVINAS (1906-1995) : La laïcité et la pensée d’Israël. In Les Imprévus de l’histoire, Éditions Fata Morgana, 1994, p. 181-183.

La Vérité et le fondamentalisme

Le pape François dénonce avec vigueur la tentation fondamentaliste qui offre un refuge protecteur pour des personnes en crise : « Les fondamentalistes proposent de mettre les gens à l’abri de situations déstabilisantes en échange d’une sorte de quiétisme existentiel. Quiconque se réfugie dans le fondamentalisme a peur de s’engager sur le chemin de la vérité. Il « possède » déjà la vérité et la déploie comme une défense, de sorte que toute remise en question de celle-ci est interprétée comme une agression contre sa personne » À la suite de Romano Guardini, un des penseurs catholiques les plus importants du XXe siècle, sur lequel il a préparé une thèse, François écrit ceci : « Guardini m’a montré l’importance du « pensamiento incompleto », de la pensée inachevée. Il développe une pensée, mais il t’emmène juste assez loin pour t’inviter à t’arrêter afin de laisser place à la contemplation. Une pensée féconde doit toujours rester inachevée afin de laisser place à un développement ultérieur. Avec Guardini, j’ai appris à ne pas exiger des certitudes absolues en toute chose, signe d’un esprit inquiet. Sa sagesse m’a permis d’affronter des problèmes complexes qui ne peuvent pas être résolus en appliquant simplement des normes ». Il précise ainsi ce qu’il appelle « Tradition » : « J’aime à penser que nous ne possédons pas la vérité autant que la vérité nous possède, nous attirant constamment par le biais de la beauté et de la bonté. (…) La Tradition n’est pas un musée, la vraie religion n’est pas un congélateur, et la doctrine n’est pas statique mais elle grandit et les développe, comme un arbre qui reste le même mais qui grandit et porte toujours plus de fruits (…) J’aime citer Gustav Mahler qui dit que « la tradition c’est la transmission du feu et non l’adoration des cendres ». (Pape FRANCOIS : Un temps pour changer, conversations avec Austen Ivereigh, journaliste britannique, éditions Flammarion 2020, p. 84-89).

Repenser les relations du Religieux et Politique

Dans un dialogue avec Frédéric Lenoir, le philosophe Paul Ricœur souhaite que les religions partagent une nouvelle symbolique qui traduise la conviction « qu’il y a de la vérité en dehors de chez soi ». « Après la complicité médiévale, après les querelles des Lumières, peut-on imaginer une relation nouvelle, moderne, des deux mondes, le religieux et le politique ?

Repartons de nos deux points : du côté du religieux, le noyau symbolique ; et du côté du politique, le concept d’autorité, qui est actuellement réduit à un squelette, à une règle du jeu minimaliste et procédurale, avec une grande pauvreté symbolique. Autant un système rationnel de légitimité peut être convaincant, autant son potentiel de recevabilité est sans force. C’est là, à mon sens, que le religieux postmoderne peut retrouver un nouveau rôle : en fondant une symbolique non plus sur le pouvoir, mais sur l’imagination.

Vous voulez dire : sur une sorte de réenchantement…

Oui, j’accepte le mot. Je voudrais faire une proposition, à laquelle je tiens beaucoup : la démocratie ne pourrait-elle, aujourd’hui, puiser dans les ressources des communautés religieuses ? En France, les guerres de Religion sont terminées. Le conflit entre laïques et croyants également. Hommes religieux, agnostiques, athées, nous pourrions être, tous ensemble, les cofondateurs de la démocratie moderne qui appelle, pour être forte et vivante, une symbolique partagée.

Mais comment ?

Cela ne peut se faire que dans une société du type “consensuel-dissensuel”. Je m’explique : le consensus sur la règle du jeu de la démocratie est soutenu – presque paradoxalement – par un dissensus permanent entre les différents systèmes de croyance. Nous sommes, en quelque sorte, des survivants des guerres de Religion. Ce qui fut la guerre est devenu la confrontation. De la qualité de la discussion dans la société civile dépendra cette nouvelle contribution du religieux au politique.

Vous vous situez ainsi dans la continuation des travaux de philosophes comme John Rawls et Jürgen Habermas, qui parlent de la confrontation des valeurs et d’une éthique de la discussion.

Certainement. Et je garde de Rawls deux idées récentes. Tout d’abord, ce qu’il appelle le « consensus par recoupement » : les différentes confessions – religieuses ou non religieuses – ne sont pas étanches les unes aux autres, elles se recoupent, et ce sont ces zones de recoupement qui entrent dans le processus de co-fondation d’une nouvelle démocratie. Le deuxième concept, c’est celui de « désaccord raisonnable » : nous acceptons que nos visions du bien diffèrent les unes des autres. Il s’agit d’incorporer le différend.

Cela rappelle la notion de tolérance que les philosophes avaient développée au XVIIIe siècle.

Il nous faut aujourd’hui aller plus loin que les philosophes des Lumières : ne pas simplement “tolérer”, “supporter” la différence, mais admettre qu’il y a de la vérité en dehors de moi, que d’autres ont accès à un autre aspect de la vérité que moi. Accepter que ma propre symbolique n’épuise pas les ressources de symbolisation du fondamental ». (Paul RICOEUR (1913-2005) : Il y a de la vérité ailleurs que chez soi. Conversation avec Frédéric LENOIR publiée dans l’hebdomadaire L’Express du 23/07/1990, p. 84-89).

Repenser la relation entre religion et spiritualité

Abdennour BIDAR, propose de redéfinir les rapports entre spiritualité et religion. Il récuse un laïcisme qui prétendrait substituer une « religion civile » pour reléguer les religions dans l’espace privé pour une authentique laïcité « qui est une chance pour la religion ».

« Nous, Français, n’avons pas besoin d’une religion civile qui nous contraindrait à sacraliser ensemble une croyance ou un idéal. Notre ciment, c’est la liberté de penser, qui laisse chacun décider de sa croyance ou de son idéal.

En séparant les Églises de l’État, la laïcité a ôté aux religions tout droit à exercer un pouvoir politique. Ce faisant, elle aide les religions à lutter contre leur propre volonté de puissance, présente en chacune dès lors qu’elle se considèrerait comme détentrice d’une vérité supérieure à tout le reste. Cela va faire le plus grand bien à l’islam de voir ainsi récusé son préjugé courant : que la loi de Dieu doit s’imposer. Il gagnera là en substance spirituelle ce qu’il va perdre en puissance temporelle.

J’appelle à une prise de conscience, celle d’un paradoxe resté très étrangement inaperçu jusque-là : en séparant le religieux et le politique, la laïcité réunit le spirituel et le politique. Car, dans l’État laïque, voilà chacun et chacune libre de s’autodéterminer spirituellement, puisque la religion n’a plus aucun pouvoir de contrainte. La laïcité c’est en réalité, de ce point de vue, l’entrée dans un âge spirituel post-religieux. C’est l’avènement de l’autonomie et de la citoyenneté spirituelle, complémentaire de la citoyenneté politique offerte dans toute démocratie ». (Abdennour BIDAR : La laïcité est une chance pour la religion, in La Croix-l’Hebdo, 4-5 septembre 2021, p. 34-35 - 27 septembre 2021 par Garrigues et Sentiers Bernard Ginisty.

Voir, « Aimer et Admirer »  

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Les commentaires de nos lecteurs (1)

Bernard Farine 23.08.2023 Dans ce texte, moi, selon l'expression française "je bois du petit lait". Tous ces penseurs me sont chers : Lévinas, Ricoeur, François, Biddar. Cela me revoie aussi aux pensées de Joseph Moingt et on en trouve les prémices dans les écrits de captivité de Bonhoeffer.