Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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L'Australie ouvre la voie à la lutte contre le trafic des orphelinats

Sydney 24.12.2018 Ross Duncan Traduit par: Jpic-jp.org

L’Australie vient de devenir le premier pays au monde à reconnaître que le trafic d’enfants dans des orphelinats est une forme d’esclavage moderne. Une nouvelle loi met en lumière le côté sombre du tourisme « faire le bien ». Le 'Projet de loi sur l'esclavage moderne' adopté met également l'accent sur le rôle involontaire que joue le tourisme en soutenant les orphelinats, car il favorise abus et exploitation des enfants.

La loi, entrée en vigueur le 1er janvier, oblige les grandes agences de voyages, les établissements d’enseignement et autres entités à publier des rapports sur leurs activités pour évaluer et traiter les risques liés à l’esclavage moderne dans leurs chaînes d’approvisionnement, y compris les orphelinats.

Environ 80% des 8 millions d'enfants des orphelinats du monde ont au moins un parent vivant. Dans certains pays, les familles sont poussées à confier leurs enfants aux orphelinats avec promesses de nourriture, d’éducation ou de soins médicaux. Bien que s'occuper des enfants dans des institutions soit considéré comme une chose du passé dans des pays tels que l'Australie et les États-Unis, le nombre d'orphelinats a augmenté dans plusieurs pays pauvres, tels que l'Ouganda, le Népal et l'Indonésie.

Les touristes qui financent ces lieux, en faisant des dons ou en proposant bénévolement leurs services, pensent qu’ils apportent une contribution positive. Ils peuvent, au contraire, perpétuer involontairement ce que la sénatrice australienne Linda Reynolds a décrit comme l'arnaque parfaite du XXIe siècle.

De nombreux orphelinats utilisent les enfants pour collecter des fonds en leur faisant jouer des spectacles ou s’entretenir avec les visiteurs. Peu ont des politiques et procédures de protection de l'enfance et les visiteurs ont un accès sans contrôle aux enfants vulnérables. Les enfants sont souvent obligés de travailler et sont maltraités de différentes manières.

Les orphelinats au Cambodge sont tous financés par des fonds étrangers. L'enquête parlementaire australienne de 2017, qui a abouti au Projet de loi sur l'esclavage moderne, a entendu l'histoire poignante de la cambodgienne Sinet Chan, qui avait été placée dans un orphelinat à l'âge de 9 ans après le décès de ses parents.

« L'orphelinat recevait son financement des touristes, et lorsque les touristes venaient, nous devions donner des spectacles pour les rendre heureux, chanter, jouer, leur parler en anglais ou japonais », a-t-elle raconté pendant l'enquête. « Parfois les touristes nous achetaient des vêtements ou de la nourriture, que nous n’avions pas le droit de garder. Le directeur de l'orphelinat les ramenait au marché et revendait tout. À l'époque, ces entretiens et spectacles me pesaient comme un travail. Nous étions également obligés de travailler dans la rizière ou dans la ferme piscicole du directeur ».

Chan a confié à la commission d'enquête qu'elle avait aussi été abusée sexuellement, que l'orphelinat ne fournissait ni eau potable ni médicaments, et que la nourriture était insuffisante. « Il nous arrivait d'aller chasser les rats pour manger. J'aimais bien quand des volontaires venaient à l'orphelinat ; ils jouaient avec nous et parfois ils nous achetaient de la nourriture. Mais c'était toujours terrible quand ils partaient. C'était comme si nous étions de nouveau abandonnés ».

Chan est maintenant ambassadrice du Cambodia Children’s Trust (CCT), fondé par l'australien Tara Winkler, qui a retiré Chan de l'orphelinat en 2007. Le CCT s'emploie désormais à rendre les enfants des orphelinats à leur famille ou à les confier à d'autres familles.

« L'exploitation des enfants n'arrive pas uniquement dans les orphelinats corrompus, car les enfants souffrent des conséquences dans tout orphelinat comme dans toute structure institutionnelle qui les prend en charge », a déclaré Winkler pendant l'enquête. « Plus de 60 ans de recherche internationale nous ont montré que les enfants qui grandissent dans des institutions, même les meilleures, courent un risque sérieux de maladie mentale, de troubles d'attachement, de retard de croissance et d'élocution, et ont beaucoup de mal à se réintégrer ensuite dans la société ».

Le CCT fait partie d'un réseau appelé ReThink Orphanages, fondé par une autre australienne, Leigh Mathews. Ce réseau a aidé des entreprises, telles que Projects Abroad, Intrepid Travel et World Challenge, à se retirer du secteur du tourisme dans les orphelinats.

 «J'aimerais voir comment des pays comme l'Australie envisagent d'aider les pays où ce problème est énorme, en reconnaissant que nous avons joué un rôle important dans sa création et sa perpétuation, et savoir ce que nous pouvons faire pour aider leurs gouvernements à mettre en œuvre une politique et une réglementation qui résolve ce problème », a déclaré Mathews.

Le tourisme bénévole est devenu de plus en plus populaire au cours des dernières décennies, les personnes cherchant à améliorer leur expérience de voyage en faisant du bien. C’est une industrie de 2 milliards de dollars. Pippa Biddle, une écrivaine new-yorkaise et une volontouriste convertie, est une critique aigüe du volontourisme, y compris dans les orphelinats. « Vous chercher l'aventure, vous y trouvez votre réalisation, vous gagnez une gratification personnelle et vous vivez cette étrange expérience d'avoir rendu service », a-t-elle dit. « En réalité, le changement n’arrive pas d'un jour à l'autre, en une semaine ou une année, au cours d'un week-end ou des vacances d'été ». Ce genre d'attention de courte durée peut ignorer les préjudices qu'elle pourrait causer. « Et, dans ce cas, ce sont les enfants qui en souffrent ».

Cette législation australienne ne s'applique qu'aux organisations dont le chiffre d'affaires annuel est d'au moins 100 millions de dollars et ne mentionne pas de pénalités pour le non-respect des exigences en la matière. Ces exigences seront réexaminées tous les trois ans. Il reste à voir quel impact réel aura cette nouvelle loi. Mathews considère qu’il s’agit d’un énorme pas en avant, mais admet qu’il reste encore beaucoup à faire. Elle aimerait, par exemple, que les politiques gouvernementales imposent aux écoles et aux universités de ne pas visiter les orphelinats ni recueillir pour eux des fonds, et qu'il y ait des mécanismes visant à réglementer le flux d'argent, de personnes et de ressources d'un pays vers des institutions étrangères.

L’Australie reste néanmoins à l’avant-garde dans l'effort pour protéger les enfants des orphelinats de l’exploitation et pour éduquer les touristes. Une campagne promouvant le bénévolat intelligent, parrainée par le gouvernement au début de l'année, a touché un large public.

« Il a été impressionnant de voir à quel point l'enquête sur le thème du tourisme volontaire au sens large et du tourisme dans les orphelinat, a eu des résonances en Australie », affirme Biddle. « Il y a clairement un débat sur la table qui attire l’attention. Ce qui ne se passe pas aux États-Unis, où on parle aussi du bénévolat, mais dans d'autres termes ».

ReThink Orphanages a récemment établi des centres en Europe et en Amérique du Nord pour continuer à sensibiliser le public à ce problème. Les témoignages d'anciens résidents d'orphelinats, tels que Chan, sont des voix importantes dans le débat. « Ce n'est pas facile pour moi de raconter cette partie de ma vie, mais je ne veux pas que vous compatissiez », a-t-elle affirmé pendant l'enquête. « Ce qui importe c’est que les gens soient informés sur les abus et l'exploitation dans les orphelinats. Je voudrais exhorter tout le monde à cesser de soutenir, de faire des dons ou de faire du bénévolat dans les orphelinats. La bonté et la générosité peuvent aider à résoudre les problèmes  des orphelins si les organisations aident les enfants à vivre dans une famille qui leur soit propre ».

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