Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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Premiers fruits de la campagne : « n’exportons pas nos problèmes »

AEFJN - Food Sovereignty 23.01.2020 Odile Ntakirutimana Traduit par: Jpic-jp.org

Au mois d’avril 2019, AEFJN – Afrique Europe Faith et Justice Network - a participé à une série d’activités organisées par notre plateforme des organisations de la société civile. Ces activités visaient à mieux faire connaître les difficultés des producteurs laitiers européens et africains tout en demandant des ajustements politiques pour les réduire.[1] Ce programme d’activités a été bien accueilli et a attiré un grand nombre de participants, ce qui a permis aux deux parties d’aller au-delà de leurs jeux de reproches pour entendre l’autre différemment et comprendre le problème commun sous-jacent.

L’impact négatif de la surproduction de lait sur les producteurs de lait d’Afrique de l’Ouest qui fait l’objet de cette campagne est un symbole des difficultés rencontrées par de nombreux autres secteurs agricoles en Afrique. A l’origine des déséquilibres et des dérives, se trouve le cadre fixé par les politiques agricoles, commerciales et de développement de l’Union européenne - la politique agricole commune (PAC) - qui décide de l’abandon des quotas laitiers et aide de manière masquée les exportations à bas coût avec son système de subventions ; la politique commerciale qui, au travers de la négociation d’accords, met en présence des acteurs aux poids inégaux et entérine des tarifs douaniers désavantageux pour les moins forts ; la politique de développement qui ne soutient pas les projets de développement de la filière lait locale.

A l’occasion des auditions par le Parlement européen des Commissaires désignés pour constituer la nouvelle Commission européenne, les acteurs de la campagne « N’exportons pas nos problèmes » ont posé des questions pour connaître les intentions de l’exécutif européen quant au scandale de l’exportation de lait réengraissé à l’huile de palme et, de manière plus générale, au développement de filières agricoles locales durables. Les résultats sont : La mise en place d’un outil de suivi des exportations de poudre de lait réengraissée à l’huile de palme ; La prise en compte de la campagne par les politiques ; L’ouverture du dialogue avec la Commission Européenne suite aux différents échanges entre les acteurs de la campagne et les services de la Commission européenne, cette dernière ayant créé une ligne tarifaire spécifique pour la poudre de lait écrémé réengraissée aux matières grasses végétales (MGV). Concrètement, il s’agit de comptabiliser chaque mois les quantités de mélange poudre-MGV exportées par l’Union européenne et d’identifier les pays d’exportation. Mais également de rendre ces données publiques. Cette ligne tarifaire spécifique permettra ainsi de pouvoir connaître de manière précise et officielle l’état et l’évolution du commerce de ce produit à partir de l’Union européenne. La mise en place effective de cette nouvelle ligne tarifaire était prévue à partir du 1er janvier 2020 ; c’est donc à suivre. Les premiers chiffres seront disponibles quelques mois plus tard. C’est une véritable avancée en matière de transparence, qui fait suite à une des recommandations de la campagne. Il n’existait en effet, à ce jour, aucun outil de suivi des exportations de poudre de lait réengraissé aux matières grasses végétales. Pour les acteurs de la campagne, c’est également une importante victoire, car elle va permettre de déplacer le débat des chiffres vers des solutions. Mais cela montre également que la Commission européenne reconnaît l’importance des enjeux que couvre le sujet.

Lors d’un séminaire interne de la Direction générale de la Coopération au développement de la Commission européenne (DG DEVCO) à destination de ses agents, la présentation de la DG TRADE (Commerce) sur le thème « Commerce et systèmes alimentaires durables » s’est achevée avec le visuel de la campagne, sans pour autant qu’un membre de la coalition ne soit présent.

Plusieurs réunions ont eu lieu au cours des mois de septembre et octobre 2019 lors de la visite de représentants d’éleveurs ouest-africains. Plusieurs députés européens ont été rencontrés et ont montré un vrai intérêt pour le sujet. Une réunion à la Commission européenne a réuni des fonctionnaires des trois directions générales les plus importantes pour la campagne (DEVCO, AGRI et TRADE) et ce dans une période très chargée pour la Commission, ce qui démontre une vraie ouverture au dialogue. La Commission a promis d’inviter les laiteries européennes à prendre part à ce dialogue et s’est dite très intéressée par l’étude à venir sur les aspects nutritionnels. Les échanges se poursuivent entre les acteurs de la campagne et la Commission sur ce dernier point.

Cette victoire symbolique montre que nos outils ont, à tout le moins, permis de faire passer les messages de la campagne. Ce sont trois victoires qui ont été atteintes certes, mais elles sont loin d’être suffisantes pour autant. La question de la cohérence des politiques européennes, non seulement avec les grands objectifs fixés par la Commission mais également entre elles, est fondamentale pour le développement des agricultures paysannes du Sud.[2]

Comme cela a été souligné à maintes reprises dans cette campagne, la cohérence des politiques est très nécessaire. En effet, les politiques agricole, commerciale, environnementale et de coopération au développement de l’Union européenne, si elles sont mises en cohérence, devraient permettre d’une part de diminuer la production de lait en Europe et d’augmenter ainsi le revenu des éleveurs, et d’autre part, d’interdire l’importation d’huile de palme pour la réexporter mélangée à du lait écrémé en poudre vers l’Afrique de l’Ouest au détriment du développement des filières de lait local et des éleveurs ouest-africains.[3]

La campagne « N’exportons pas nos problèmes » continue et nous comptons sur nos élus européens pour faire bouger les choses !

Plus d’informations sur ce sujet et les développements qui ont suivi depuis avril 2019 peuvent être trouvées sur les sites suivants :

(Voir http://aefjn.org/fr/premiers-fruits-de-la-campagne-nexportons-pas-nos-problemes/)

[1] http://aefjn.org/fr/ce-qui-se-passe-la-bas-nous-touche-ici-defis-communs-des-producteurs-de-lait-europeens-et-africains/

[2] https://www.nexportonspasnosproblemes.org/victoires-pour-la-campagne/

[3]https://www.nexportonspasnosproblemes.org/retour-sur-la-conference-nouvelle-commission-nouvelle-approche/

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Les commentaires de nos lecteurs (1)

Bernard Farine 30.03.2020 Je réagis sur le texte du lait réengraissé à l'huile de palme. Ce procédé montre bien la chaîne de perversité de l'économie du profit. On se garde la meilleure graisse pour le beurre ou la crème fraiche (même s'il ne faut pas en abuser !), et on nuit à la santé des populations africaines avec l'huile de palme, en faisant de plus concurrence à la production locale. En plus, on écoule l'huile de palme qu'on a récoltée en détruisant les forêts dans divers pays du Sud... On pense aussi forcément à la société Nestlé qui faisait campagne contre l'allaitement maternel pour vendre son lait en poudre dans les pays du Sud, où il manquait d'eau potable pour rallonger ce lait (voir les textes du Suisse Jean Ziegler). Amitié, Bernard