Greta Thunberg et les Vendredis pour l'Avenir ont ouvert un débat sur le changement climatique : pour et contre, dans les médias et les réseaux sociaux, dans la rue et sous les ponts avec des mannequins suspendus. Le débat s'est polarisé entre ceux qui soutiennent un idéal et ceux qui critiquent la superficialité de l'analyse. Il convient de rappeler qu’une mouvance scientifique, religieuse et sociale suscite depuis une vingtaine d'années une prise de conscience en crescendo.
Beaucoup découvrent maintenant le problème pour ne pas avoir lu l'encyclique du pape déjà au cinquième anniversaire de sa publication, pour ne pas avoir suivi les cours gratuits qui sont sur Internet depuis une dizaine d’années ou pour n'avoir jamais entendu parler du club de Rome et des études sur le climat et l'histoire des périodes glaciaires, de l'holocène et de l'anthropocène. L’intérêt est d'avoir attiré l'attention des jeunes. Personne ne veut leur voler l’avenir, mais il leur appartient certainement de grandir avec une conscience qui a manqué au moins en partie dans le passé et d'assumer des responsabilités que le monde politique et commercial n'est peut-être pas disposé à faire. Une fois les manifestations et les émotions terminées, quelles sont les certitudes qui restent ?
Quelques-unes sont discutées à l'ONU par les chefs d'État qui tournent autour des coûts et des implications d'une réponse. Massimo Famularo les résume dans l'article Tre cose non trascurabili di cui Greta Thunberg non parla (Trois choses importantes dont Greta Thunberg ne parle pas) : la stratégie de lutte contre le réchauffement climatique est un problème de coordination ; la plupart des activités produisant du CO2 ne peuvent pas être changées à court terme et sans coûts élevés ; la répartition des coûts immédiats doit faire partie de tout accord de coopération.
Il part d'une image : nous sommes tous dans le même train et tout le monde a à la main un instrument de contrôle qui peut augmenter ou diminuer la vitesse du train. Les voyageurs du passé ont accéléré ou permis que la vitesse du train s'accélère au point qu’elle est devenue dangereuse. Si tout continue comme cela, tôt ou tard, le train va dérailler, même si on ne sait pas exactement quand et à quelle vitesse.
Que faire ? Personne n'a voulu ni ne veut un tel désastre : nous sommes tous dans le même train et nous sommes tous responsables de sa vitesse, les uns de manière marginale, d’autres d’une manière majeure, quelques-uns consciemment et beaucoup d’autres inconsciemment, car ils ne cherchent que des résultats sans tenir compte de la vitesse du train. Il n'y a pas non plus un groupe d'adultes aujourd'hui, qu’ils soient des citoyens ordinaires ou des gens au pouvoir, qui « peuvent s'asseoir à une table et décider la réduction des émissions de gaz à effet de serre sous le regard vigilant de la jeunesse ».
Même un dictateur mondial, dit Famularo, ne pourrait pas « forcer des milliards d'individus » à changer leur comportement tous ensemble et rapidement. Les changements nécessaires nécessitent de « réconcilier des besoins différents et souvent contradictoires ». « Ils mettent en péril la survie individuelle immédiate face à un avantage collectif futur ». Tandis que les pays riches pourraient réduire la contamination par « un choix responsable impliquant coûts et sacrifices », mais ne « remettant pas en question leurs besoins fondamentaux », les pays en développement, avec des taux de fécondité élevés et un impact négatif sur l’environnement élevé, « doivent polluer pour survivre ou pour améliorer leur qualité de vie et atteindre le niveau d’autres pays ».
Les jeunes demandent une réponse immédiate car le problème est urgent. Malheureusement, les actions à effet immédiat, telles que l’utilisation des transports en commun au lieu des voitures, sont individuelles et marginales. L'avion que Greta n'a pas utilisé, a quand même décollé sans elle, et les végétariens n'ont pas empêché le marché de la viande de prospérer. Les stratégies permettant de réduire constamment les émissions nécessitent du temps et des coûts sociaux et économiques élevés, comme dans le cas des systèmes de chauffage et de refroidissement.
Si les solutions rapides et peu coûteuses sont marginales, que faire à moyen terme ? Les gestes de Greta ont contribué à donner de la visibilité au problème et le mouvement a ému la conscience des jeunes et des adultes : à qui d’agir maintenant ? Le slogan « Nous vous tenons à l’œil » semble dire que cela revient à quelqu'un qui a tous les contrôles en main et n'est pas dans le train. « La seule voie efficace - suggère au contraire Famularo - consiste à promouvoir une culture de la durabilité, afin que tous les individus modifient leur comportement et exercent une pression sur les gouvernements pour obtenir une réglementation environnementale qui encourage la réduction des gaz à effet de serre ».
Les jeunes sont appelés à prendre des engagements globaux qui doivent être immédiats s’ils envisagent l’urgence et visibles s’ils veulent changer le système : abandonner les scooters pour les vélos, utiliser les portables uniquement en cas de besoin, se promener à pied et dans des parcs et ne pas passer trop de temps dans les boites de nuit, réduire la consommation de produits à la mode. Ou faire des actions simples mais efficaces à la base. Ayant découvert, par exemple, que la production mondiale de chocolat entraine l'esclavage du travail des enfants, une jeune fille, d’une petite ville du nord de l'Europe, motiva ses amies qui, sans manquer l'école mais en renonçant aux soirées dans les bistrots, ont visité une à une les boutiques de leur ville avec la pancarte « Chocolat oui, mais sans le travail d’enfants ». Ils ont changé la mentalité de leurs voisins. « Pour obtenir des effets, il est nécessaire que la demande de consommation ayant un impact négatif sur l'environnement soit réduite de manière à amener les producteurs à modifier également l'offre », rappelle Famularo.
Tout cela est certainement vrai aussi pour les adultes, mais - et en cela le mouvement en cours a raison - les jeunes sont ceux qui risquent le plus, car c'est à eux de vivre dans le futur et de faire face aux conséquences du présent.
Limiter la croissance démographique serait-il une stratégie efficace pour réduire l'impact environnemental ? En termes mathématiques, cela semble évident : moins de personnes, moins de consommation, moins de pollution. Sauf que dans les pays développés, l’hiver démographique est en marche depuis longtemps déjà, sans impact sur changement climatique, et dans les pays pauvres, le nombre d’enfants compense les services sociaux - éducation, santé, assistance sociale – souvent déficient ou absents. Famularo suggère donc que les programmes d'intervention financés par les pays développés sont le seul moyen d'aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre sans compromettre le bien-être de la population.
Le changement climatique n'est pas un phénomène isolé mais une conséquence de la pollution, elle-même causée par l'exploitation excessive et désordonnée des ressources. Ainsi, rappelle le pape François, l'urgence climatique et écologique ne sera pas résolue sans faire face aussi à l'émergence sociale des inégalités, car tout est interconnecté : l'arbre du changement climatique ne peut pas cacher la forêt et le bien être futur des jeunes comme Greta ne sera pas protégé tant que le bien être futur des enfants des pays pauvres ne sera pas assuré. Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, comme dit le proverbe, on peut paraphraser Vincent de Paul, un saint qui a fait des miracles, pour conclure : les émotions sont essentielles pour secouer les consciences, mais pour résoudre les problèmes on doit utiliser l'intelligence.
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