Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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Diplomatie, droits, biodiversité

Comune Info 26.09.2022 Stefano Mori Traduit par: Jpic-jp.org

La bataille pour une agriculture agroécologique et biodiversifiée se joue aussi sur le terrain du droit. Les mouvements paysans représentés par l’International Planning Committee for Food Sovereignty (IPC) ont fait entendre leur voix lors du sommet de l'organe responsable du Traité sur les ressources génétiques en agriculture. Au milieu de gouvernements paresseux et d'entreprises voraces, les mouvements paysans internationaux se sont battus avec l'arme diplomatique pour faire passer quelques concepts clés : mettre pleinement en œuvre le texte de cet accord approuvé en 2001, en respectant notamment les droits des agriculteurs à échanger, réensemencer et vendre leurs propres semences.

 

Du 19 au 24 septembre 2022 s'est tenue à Delhi, en Inde, la neuvième réunion de l'organe directeur du Traité international sur les ressources phylogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA), un traité contraignant qui définit le cadre réglementaire de la gestion de la biodiversité agricole et alimentaire.

Un instrument censé préserver les pratiques des agriculteurs des droits commerciaux sanctionnés par l'Organisation mondiale du commerce. En effet, le traité, dans son article 9, définit les droits des agriculteurs autour de trois aspects principaux :

  • Le droit de participer aux décisions au niveau national concernant la gestion des semences ;
  • Leur droit de participer sur un pied d'égalité à la répartition des avantages découlant de l'utilisation et de l'accès aux semences par les instituts de recherche ou d'autres acteurs utilisant des variétés stockées dans ce que l'on appelle le Système Multilatéral, c'est-à-dire l'ensemble des banques de semences dans le monde ;
  • Le droit collectif d'utiliser, de stocker, d'échanger et de vendre des semences d'un agriculteur à l'autre.

Malgré le caractère contraignant du TIRPAA, le rapport d'évaluation de la conformité des politiques publiques à ses prescriptions, présenté au sommet en Inde, indique que 25 % des parties contractantes n'ont pas mis en œuvre de mesures juridiques pour défendre les droits des agriculteurs.

Or, à ce jour, la mise en œuvre à l'échelle nationale des accords internationaux reste une étape fondamentale pour que les droits de l'homme restent forts dans le monde. C'est pourquoi le Centre international de croisements, une ONG qui assure le secrétariat de la plate-forme mondiale des mouvements sociaux de petits producteurs alimentaires (l’International Planning Committee for Food Sovereignty-IPC), a organisé et facilité la participation de délégations d'agriculteurs de quatre continents à la 9e réunion de l'organe directeur du TIRPAA, avec deux objectifs clairs : rappeler le caractère contraignant des droits des agriculteurs et reprendre la discussion sur le fonctionnement du système multilatéral du traité, afin de le rendre efficace et d'éviter les cas de biopiraterie légalisée par la numérisation des séquences génétiques. Une pratique que les entreprises utilisent pour tenter de contourner l'accord et qui ne dédommage en rien les communautés locales qui ont sélectionné le matériel génétique originaire pendant décennies de travail.

En ce qui concerne le premier aspect, après cinq ans, les mouvements de l'IPC ont réussi - avec difficulté - à mettre en évidence une contradiction. Il est désormais clair que l'interprétation de l'article 9 n'est pas la même pour tous : certains pays estiment que des mesures juridiques sont nécessaires pour protéger les droits des agriculteurs, d'autres que cela peut se faire par le biais de brevets ou de récompenses dues à ceux qui enregistrent de nouvelles variétés.

Cependant, des mouvements ont fait que la majorité s’accorde avec la première lecture, en soulignant que la protection des droits ne doit pas se faire par le biais du droit commercial, mais conformément aux instruments internationaux de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.

Il s'agit d'un point de détail, mais cela implique que la référence pour fonder les normes devrait être - entre autres textes - l'UNDROP, la Déclaration des droits des paysans et des personnes vivant dans les zones rurales. C'est un signe clair que ce ne sont pas les règles du marché qui peuvent guider la mise en œuvre contraignante des droits de l'homme.

En ce qui concerne le second aspect, à savoir le fonctionnement du système multilatéral, la situation est beaucoup plus préoccupante : la dernière rencontre à Rome en 2019 de l’Organe directeur du traité s'est soldée par une impasse.

Le système multilatéral du traité devrait garantir des règles strictes pour l'accès au matériel contenu dans les banques de germoplasme, mais aussi faciliter l'accès des agriculteurs, puisque les variétés contenues dans ces institutions ont été développées par eux au cours de décennies, voire de siècles, par une gestion dynamique de la biodiversité.

Le mécanisme pose aujourd'hui deux problèmes : d'une part, le paiement d'une sorte de redevance par ceux qui accèdent à ces semences pour développer de nouvelles variétés, une récompense pour le travail des agriculteurs ; d'autre part, le DSI (Digital Sequence Information), c'est-à-dire l'information numérisée des semences physiques.

En effet, toutes les normes et tous les articles du traité ne s'appliquent (pour l'instant) qu'aux ressources matérielles. Cela signifie que si les gouvernements décident que les règles d'accès aux semences ne s'appliquent pas à leur version numérique, il sera facile pour les entreprises d'utiliser la version immatérielle des séquences génétiques sans avoir à payer de redevance. De plus, elles pourraient exiger des droits de propriété intellectuelle sur les contreparties physiques sélectionnées par les agriculteurs et contenues dans les banques de germoplasme : un véritable paradoxe.

Ces deux débats bloquent le traité depuis trois ans et menacent de le faire capoter, en le vidant de l'esprit avec lequel il a été approuvé en 2001.

Dans cette situation enchevêtrée, les mouvements IPC ont réussi à obtenir des résultats diplomatiques importants pour relancer les négociations :

  • Un symposium sera prochainement organisé en Inde sur les droits des agriculteurs, pour revenir aux discussions sur la mise en œuvre du traité et son caractère contraignant, puis lors du prochain sommet de l'Organe directeur à Rome pour rechercher des orientations plus précises.
  • Un groupe de travail sur le système multilatéral sera mis en place pour définir clairement les mécanismes de récompense pour l'accès aux semences.
  • Une étude sur les impacts du DSI sur le Traité et sa mise en œuvre sera promue et présentée au prochain Organe directeur.

Les conditions préalables pour sortir du bourbier des négociations sont réunies, maintenant le travail de lobbying pour pousser les gouvernements à tenir leurs promesses recommence pour les mouvements. En tant qu'IPC, nous continuerons à suivre cette bataille et à nous battre pour les droits des agriculteurs, afin que la biodiversité puisse continuer à se multiplier dans les champs, grâce au savoir des agriculteurs et des paysans, contre la rapacité des industries semencières.

Voir, Diplomazia, diritti, biodiversità - Comune-info

Photo. © Fb di Semi di Comunità – CSA Rom

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