Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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Une clef de lecture de la conflictualité en Afrique des Grands Lacs

Radio Samaya 29.02.2012 Jpic-Afrique Traduit par: Jpic-jp.org

En Afrique des Grands lacs, la survie de 80 % des habitants dépend de l’agriculture. La sortie de l’étude Afrique des grands lacs : droit à la terre, droit à la paix est l’occasion de faire le point sur un sujet central pour la sécurité dans la région.

Au Rwanda, au Burundi ou en République démocratique du Congo, l’insécurité, particulièrement l’insécurité foncière, est une des principales causes de la sous-exploitation des potentialités agricoles et de la sous-alimentation de 40 % à 75 % de la population. Cette insécurité foncière s’est progressivement construite et accentuée au fil des conflits, des changements économiques, des crises politiques, des mouvements de population et de la croissance démographique. Les situations d’insécurité foncière dans ces trois pays répondent à quatre grands facteurs.

1-. La remise en cause des droits fonciers et des usages de la terre sous l’effet de politiques publiques qui ont imposé des changements d’usages des sols et des pratiques d’exploitation des terres au nom du développement économique. Dans le passé, les systèmes agraires paysans en Afrique des Grands lacs ont prouvé qu’ils étaient en mesure de s’adapter aux évolutions et d’augmenter les niveaux de production. Cependant, les systèmes paysans souffrent depuis la colonisation d’une image négative aux yeux des décideurs politiques. Les interventions publiques ont historiquement consisté à transformer le secteur agricole en modifiant les usages de la terre qu’avaient les paysans.

2-. Les divisions successorales et l’amenuisement des tenures sous l’effet de la croissance démographique, sources de conflits privés ou « intrafamiliaux ». Les systèmes anciens d’accès à la terre ont évolué pour répondre à une pression démographique croissante et aux nécessités d’exploitation continue des terres. L’appropriation de la terre s’individualise et les droits fonciers se définissent de manière de plus en plus exclusive, au détriment des populations les plus vulnérables. Les processus d’exclusion vont de pair avec les ventes de détresse et engendrent un climat de tension, d’hostilité et de peur. Les conflits au sein des familles et entre les familles au sujet de l’accès à la terre sont de plus en plus importants.

3-. Les conflits politiques et les déplacements de populations suite aux nombreux conflits armés violents qui ont détruit les liens sociaux et la mémoire agraire. L’histoire de la région est marquée par une succession de crises violentes qui résultent largement d’instrumentalisation par les politiciens des questions identitaires et foncières dans un contexte de pauvreté extrême. Après la crise de 1990 au Rwanda, on comptait plus de 2 millions de réfugiés dont environ 1,2 million en RDC et 270 000 au Burundi. Les traumatismes liés à la guerre, les problèmes fonciers liés au retour des réfugiés, rendent difficiles la recherche de solution. Les réponses apportées par les trois Etats ont été variées (villagisation, réformes judiciaires, distribution de terres) mais pas toujours adaptées.

4-. Les carences et la concurrence entre les différentes institutions et administrations  (chefferies, juridictions formelles ou transitionnelles, instances de conciliation). Les autorités et acteurs coutumiers de la gestion foncière ont perdu une partie de leur légitimité par leurs pratiques (la vente de terre dans le Kivu par exemple) et à travers les fonctions qu’ils ont obtenues au cours de l’histoire dans le système étatique partisan. Les administrations foncières et pouvoirs publics sont généralement peu légitimes, notamment pour avoir imposé des règles de gestion en dehors de toute négociation. Actuellement, aucun des deux systèmes de gestion n’est parfaitement légitime et donc ne permet d’assurer la sécurité foncière des populations les plus pauvres.

L’ensemble de ces facteurs font du foncier, une question centrale du maintien de la paix et du développement économique de la région. Face aux manquements des interventions publiques en matière de sécurisation foncière, les acteurs de la société civile ont depuis quelques années largement investi ce champ d’intervention : d’abord dans le cadre d’actions d’urgence suite aux conflits des années 1990, pour le rapatriement des réfugiés et des populations déplacées, puis dans le cadre de projets de développement.

Du rôle des acteurs de la société civile vers un cadre d’analyse et de référence partagé

Il existe des réponses de la société civile ayant montré des résultats significatifs sur le terrain, notamment :

  • Le développement et l’expérimentation de nouveaux espaces et outils de gestion des conflits (contrat social, comités de paix, sociothérapie, groupes de réflexion, médiations et formations) qui permettent d’« occuper une place laissée vide » dans le paysage de la construction de la paix et de la résolution des conflits locaux autour de l’accès à la terre ;
  • La restauration de la confiance et de la légitimité dans les pratiques de gestion foncière (code de bonne conduite des chefs coutumiers) ;
  • La mise en place de dispositifs de formalisation des droits fonciers et des arrangements locaux (contrats fonciers types, certificats fonciers) en partenariat avec les autorités locales (administratives et coutumières) qui répondent directement aux besoins de sécurisation foncière ;
  • La participation aux débats publics en matière de foncier (plaidoyer, alliance, consultation) pour une meilleure prise en compte des réalités et des besoins locaux.

Toutefois, les organisations de la société civile ne peuvent agir efficacement sans volonté politique d’engager un dialogue pluriacteurs, capitaliser l’expérience accumulée pour nourrir plus efficacement les débats et améliorer les actions amorcées localement, contribuer d’une même voix au débat et construire un cadre partagé d’analyse et d’actions à partir duquel elles pourront mener leurs actions et leurs plaidoyers. S’il n’existe pas de solution unique sur les questions de sécurisation foncière, il est possible de fournir des références et des clés d’action pour répondre durablement aux besoins des populations en matière de sécurisation foncière et accompagner efficacement les réformes en cours. Dans l’étude Afrique des grands lacs : droit à la terre, droit à la paix, le Gret et le CCFD – Terre solidaire proposent une grille pour travailler avec les partenaires du Sud à un programme d’action commun, dans un double objectif de croissance économique équitable et de construction de la paix.

Titre de l’ouvrage : Afrique des Grands Lacs : droit à la terre, droit à la paix – Des clés pour comprendre et agir sur la sécurisation foncière rurale, par Emilie Pèlerin ; Aurore Mansion ; Philippe Lavigne Delville. 

http://www.gret.org/publication/afrique-des-grands-lacs-droit-a-la-terre-droit-a-la-paix-des-cles-pour-comprendre-et-agir-sur-la-securisation-fonciere-rurale/  

 

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