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L’Afrique en fuite

Rivista Africa 13.05.2025 Redazione Traduit par: Jpic-jp.org

Un nouveau rapport du Centre de surveillance des déplacements internes (IDMC) lance un cri d’alarme : à la fin de l’année 2024, 83,4 millions de personnes dans le monde vivaient déracinées au sein même de leur propre pays. Ce chiffre, qui dépasse pour la première fois le seuil des 80 millions, a doublé en l’espace de six ans et équivaut à la population entière de l’Allemagne. Le cœur de cette crise humanitaire se trouve en Afrique, et plus précisément en Afrique subsaharienne, qui concentre près de la moitié de ce total mondial dramatique.

Le rapport annuel de l’IDMC, intitulé Global Report on Internal Displacement 2025, dresse un tableau complexe et inquiétant. Sur les 38,8 millions de déplacés internes recensés en Afrique subsaharienne fin 2024, 19,3 millions l’ont été au cours de la seule année écoulée, un chiffre record à l’échelle mondiale.

Une double urgence : conflits armés et catastrophes naturelles

Les conflits et la violence demeurent les premières causes de cette tragédie humaine, responsables de 11,5 millions de nouveaux déplacements internes dans la région. Le cas du Soudan est emblématique : avec 11,56 millions de déplacés internes, il détient le plus grand nombre jamais enregistré pour un pays seul, dont 3,778 millions en 2024 seulement, contraints à fuir face à l’escalade des hostilités.

Mais les catastrophes naturelles, de plus en plus fréquentes et dévastatrices, aggravent encore la situation. En 2024, elles ont provoqué 7,8 millions de déplacements internes en Afrique subsaharienne, un record pour la région. Les inondations, responsables d’environ 85 % de ces déplacements, incarnent le visage le plus tangible de l’urgence climatique.

Conflits et catastrophes : un enchevêtrement destructeur

Un aspect particulièrement préoccupant souligné par le rapport est la concomitance des crises. En effet, tous les 23 pays d’Afrique subsaharienne ayant enregistré des déplacements dus à des conflits en 2024 ont également subi des déplacements causés par des catastrophes. Cette superposition d’épreuves aggrave les conditions de vie des déplacés, les contraignant souvent à fuir plusieurs fois, piégés dans un cycle de vulnérabilité et d’instabilité permanente.

Les pays les plus touchés

Outre le Soudan, d’autres pays connaissent une situation tout aussi dramatique.

En République démocratique du Congo (RDC), on comptait 6,215 millions de déplacés internes en raison de conflits fin 2024, dont 5,333 millions de nouveaux déplacements survenus durant l’année. À cela s’ajoutent 681 000 personnes déplacées et 750 000 nouveaux déplacements provoqués par des catastrophes.

Avec le Soudan, la RDC représente près de 80 % de tous les déplacements dus aux conflits en Afrique subsaharienne en 2024.

Au Nigeria, 3,359 millions de déplacés internes ont été recensés à la suite de violences, et 350 000 en raison de catastrophes. L’État du Borno, dans le nord-est du pays, abrite à lui seul près de la moitié des déplacés liés aux conflits. En 2024, 295 000 nouveaux déplacements ont été causés par les violences, tandis que 1,245 million résultaient de catastrophes.

Le Tchad présente une situation particulière : 383 000 déplacés internes en raison de conflits fin 2024, mais surtout 1,16 million de personnes déplacées et 1,325 million de nouveaux déplacements provoqués par des catastrophes, notamment des inondations, pour lesquelles le Tchad détient le triste record continental en 2024.

L’autre visage de la crise : les communautés d’accueil sous pression

La crise ne touche pas seulement les déplacés. Les communautés qui les accueillent sont elles aussi mises à rude épreuve : épuisement des ressources, tensions sociales, difficultés d’accès à des services essentiels comme l’eau, la nourriture ou les soins de santé.

L’aide humanitaire, bien que cruciale, est souvent entravée par l’insécurité, les obstacles logistiques et l’ampleur des besoins. Assurer la sécurité et l’assistance de millions de personnes constamment en mouvement représente un défi colossal pour les agences humanitaires et les gouvernements, d’autant plus que les financements des bailleurs de fonds sont en baisse.

Au-delà de l’urgence : vers des solutions durables

« Ces chiffres montrent que les déplacements internes ne sont pas seulement une urgence humanitaire ; ils constituent un défi politique et de développement majeur, qui mérite une attention bien plus soutenue », avertit Alexandra Bilak, directrice de l’IDMC.

Pour répondre à cette crise complexe, il faut un engagement global, multidimensionnel et de long terme. Il ne s’agit pas seulement de fournir une aide immédiate, mais d’investir dans la construction de la paix, la prévention des conflits, et la lutte contre les causes profondes du déracinement : pauvreté, inégalités et impacts du changement climatique.

Renforcer la résilience des communautés, améliorer la gouvernance locale, et créer des opportunités économiques durables sont autant de leviers pour permettre aux déplacés de reconstruire leur vie et soulager la pression sur les populations hôtes.

Seule une mobilisation conjointe, guidée par une vision à long terme, permettra d’enrayer cette dynamique alarmante et d’offrir un avenir plus digne et plus stable à des millions de personnes prisonnières du déplacement interne.

Voir, Africa in fuga: sfollati interni oltre ogni record

Foto. Personnes en fuite des attaques armées dans le campement des réfugiés de Kibati, Nord-Kivu, dans l’est de la Rd Congo en 2008 (Wikimedia/CC BY-SA 2.0)

 

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