Tout le monde parle de paix. Mais il semble que tout le monde ne se rende pas compte des différentes façons dont les gens comprennent « la paix et le pacifisme ». Une réflexion à partir de la société italienne.
Aujourd'hui, en Italie, être pacifiste signifie trois choses. La première signification est celle exprimée dans l'article 11 de notre Constitution et qu’un journaliste a très bien résumée il y a quelques jours dans les colonnes du Corriere. C'est-à-dire qu'il s'agit de rejeter pour notre pays toute politique agressive de nature nationaliste, colonialiste ou autre. En même temps, et par conséquent, cela signifie rejeter l'idée et la pratique selon lesquelles les différends internationaux peuvent être tranchés par les boulets des canons et donc, inévitablement, en faveur de celui qui a le plus de canons.
En ce sens, il ne fait aucun doute que dans notre pays, le front pacifiste, appelons-le ainsi, est très large. Du ministre des affaires étrangères Antonio Tajani et du ministre de la défense Guido Crosetto aux plus sinistres gauchistes ; non seulement je ne vois personne prêcher la nécessité pour l'Italie de se lancer dans une aventure militaire, mais il n'y a personne qui veuille afficher un visage féroce ou montrer ses muscles à qui que ce soit. Bref, nous sommes tous ou presque tous des pacifistes.
Mais à côté de ce que je viens de dire, il existe deux autres types de pacifisme : le pacifisme de circonstance et le pacifisme de l'irréalité.
Le pacifisme de circonstance est celui qui est appliqué par ses adeptes à un seul des deux belligérants. Naturellement à celui qui, pour quelque raison politique ou idéologique que ce soit, n'est pas aimé et à qui, par conséquent, on attribue toujours la responsabilité de la guerre, en lui ordonnant péremptoirement d'y mettre fin. Le modèle classique de ce pacifisme sont les « partisans de la paix » d'ancienne mémoire, l'organisation des partis communistes, y compris le parti italien, qui dans les années de la guerre froide, obéissant aux ordres de Moscou, « défendait la paix » en dépeignant les États-Unis comme une sorte d'agresseur en service permanent : militariste, impérialiste, seulement désireux de déclencher une guerre atomique contre l'Union soviétique à la première occasion. Cette dernière, en revanche, était présentée comme un pays « pacifique » par définition, tout en principes et en bonnes œuvres.
Avec les variantes qui s'imposent, c'est ce même pacifisme qui exhorte aujourd'hui les Ukrainiens à cesser de se défendre et donc à ne plus nous demander d'armes pour le faire. Car ces imbéciles ne feraient ainsi qu'empêcher Poutine de gagner et de devenir ainsi le maître de leur pays. C'est ce pacifisme que l'on pourrait qualifier de capitulation comme étant la meilleure voie vers la paix. Le même, cependant, qui reste essentiellement silencieux si le Hamas attaque Israël de la manière que l'on sait et qui se garde bien d'exiger que les otages capturés soient au moins restitués.
Ce qui est peut-être le plus répandu, cependant, c'est le pacifisme de l'irréalité. Le pacifisme de l'irréalité parce que, contredisant audacieusement des millénaires d'histoire humaine, ses adeptes sont convaincus que la guerre n'est pas, hélas, une règle tragique de cette histoire, le moyen qu'ont toujours utilisé les collectivités et les États humains les plus divers pour régler leurs différends lorsqu'ils pensent non seulement que tous les autres moyens de le faire sont inutiles, mais aussi, bien sûr, qu'ils peuvent l'emporter.
Non, la guerre n'est pas la règle : elle est l'exception. Elle est essentiellement due aux sales intérêts de quelques-uns (au premier rang desquels les marchands d'armes) ou à la perfidie de quelques gouvernants et à leurs idées folles.
Ainsi, la guerre sort de l'histoire pour devenir une rupture purement criminelle dans le déroulement ordonné des choses : comme le meurtre l'est dans la vie ordonnée d'une communauté. Cela a pour conséquence décisive de la ramener, et en tant que telle, dans le domaine du droit, des codes et des tribunaux. Je ne parle pas ici des raisons historiques (nazisme, procès de Nuremberg, etc.) et des bonnes intentions qui sous-tendent ce phénomène, mais des conséquences qu'il a eues sur la mentalité et le sentiment collectifs.
La première et la plus évidente d'entre elles est le fossé manifeste - sur une question politique cruciale comme la guerre et la paix - entre les opinions publiques et les sensibilités culturelles de l'Occident et celles du reste du monde. De notre côté, le recours aux armes est toujours considéré comme une question relevant potentiellement du code pénal et pouvant ouvrir les portes de la prison, de l'autre, comme une dimension plus ou moins normale de la politique. Le déséquilibre radical qui en résulte dans la disposition psychologique de ceux qui ont les plus hautes responsabilités au sein du gouvernement et qui doivent prendre des décisions est évident.
Mais la conséquence la plus importante n'est peut-être pas celle-là. Elle réside dans la mentalité qui menace aujourd'hui de prévaloir parmi nous. Une mentalité dominée par un irénisme qui s'enorgueillit de sa propre irréprochabilité éthique et qui substitue les bons sentiments à la réalité. Un irénisme tragiquement optimiste, qui ignore que pour éviter la guerre, il ne suffit pas que nous soyons pacifiques parce qu'il faudrait que tous les autres le soient aussi ; un pacifisme qui, alors que l'horizon s'embrase de mille conflits, s'obstine à imaginer un monde heureusement démilitarisé. Qui, pourtant, selon ce que l'on voit autour de soi, risque de n'être finalement que le nôtre.
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