Justice, Paix, Intégrité<br /> de la Création
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Le mal existe et on ne peut l’ignorer

Il Messaggero 23.09.2025 Luca Diotallevi Traduit par: Jpic-jp.org

Face à l’agression subie par l’Ukraine, beaucoup pensent que le mal peut être arrêté sans produire d’autre mal.

Face au drame de Gaza, nombreux sont ceux qui réagissent à la perte coupable de proportion dans la riposte du gouvernement Netanyahu en traitant Israël comme un corps étranger, plutôt que comme un membre fondateur de notre civilisation. Sur un plan tout à fait différent, celui de la vie quotidienne, le drame des féminicides bouleverse, car il contredit la conviction que le mal ne puisse habiter les relations les plus intimes. Et pourtant, le mal existe, il persiste et il ne vient pas seulement de l’extérieur. Le mal réside aussi en nous, et parfois il prend le contrôle de nos volontés et de nos institutions.

Le scandale du mal ne laisse pas d’échappatoire : si on l’ignore, on en devient automatiquement complice ; et on en devient également complice si l’on se limite à le juger en spectateur innocent. Le drame de l’Occident réside aussi, et peut-être avant tout, dans le fait d’avoir effacé le scandale du mal : en le considérant comme éliminable, en l’attribuant toujours à des causes externes, ou encore en cherchant à y devenir indifférent.

Imagine, la magnifique chanson de John Lennon, chante l’illusion dans laquelle l’Occident est tombé en masse depuis les années 1960. Durant ces années, individuellement et collectivement, nous avons cédé à l’illusion de vivre comme si le mal n’existait pas, ou comme s’il pouvait être éliminé de la société et de l’histoire. Les faits ont vite commencé à nous gifler, mais nous avons réagi en fermant les yeux avec une obstination encore plus grande. Depuis les Tours Jumelles, toutefois, le tour de passe-passe ne fonctionne plus. Ce premier quart du XXIᵉ siècle rappelle à l’Occident que le mal existe, qu’il résiste et qu’il peut venir aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur.

La faiblesse de l’Occident naît en grande partie de cette prétention à faire comme si le mal n’existait pas, ou comme s’il pouvait être éliminé par la seule volonté et/ou par la raison et sa technique. Voilà précisément le cœur de ce 40 % de modernité infectée : cet illuminisme rationaliste et arrogant qui, à certains moments, a réussi à marginaliser l’illuminisme critique et autocritique. Depuis plusieurs décennies, nous vivons donc le crépuscule et la nuit qui suivent ces moments.

Max Weber enseignait qu’une partie décisive du logiciel qui fait fonctionner une civilisation est la réponse qu’elle donne au scandale provoqué par l’expérience du mal. La plupart des réponses connues peuvent être classées en deux groupes : l’un enseigne à devenir insensible au mal, à le laisser glisser sur soi ; l’autre croit que la raison et/ou la volonté peuvent éliminer le mal du monde et de l’histoire.

Un troisième groupe rassemble ceux qui utilisent le mal sans scrupules, comptant sur le fait qu’ils rencontreront tôt ou tard quelqu’un de plus mauvais qu’eux.

Est-ce tout ? Non, pas encore. Dans le catalogue des réponses au scandale du mal, il en existe une autre : celle sur laquelle repose l’« Occident ». Elle comporte quatre éléments :
(i) Le mal existe (chez les individus et dans la vie sociale) ; il existe vraiment, il n’est pas une illusion et il ne peut être éliminé de ce monde ni de l’histoire humaine.
(ii) Le mal peut et doit être combattu ; parfois il triomphera, mais à la Fin de l’Histoire, ce ne sera pas lui qui l’emportera. En attendant — ou indépendamment de cette foi — lui résister nous rend dignes et nous permet de vivre une humanité pleine.
(iii) Pour résister au mal, il est inévitable de recourir à des moyens qui, eux aussi, produisent un certain mal ; ce choix est moralement acceptable tant que le mal engendré n’est pas supérieur à celui qu’on cherche à vaincre.
(iv) Résister au mal exige une vigilance et un combat à la fois intérieur et public.

La combinaison de ces quatre éléments caractérise la solution « occidentale » au scandale du mal, profondément différente de toutes les autres. Son moteur est l’espérance : la plus farouche ennemie de l’imagination trompeuse et illusoire. Pour Kant, cette espérance est la clef de voûte de la modernité, mais de la modernité critique, opposée à la modernité dogmatique et rationaliste.

Depuis les années 1960, toutefois, la solution « occidentale » au scandale du mal est devenue minoritaire chez elle. Dans l’opinion publique occidentale, a prévalu une alliance de fait : un vaste champ d’irénisme, de volonté cynique de puissance, de rationalisme naïf et superficiel, et de l’illusion de pouvoir devenir indifférents au mal. Presque tout l’Occident s’est endormi sous une épaisse couverture d’engourdissement, sombrant dans un sommeil lourd. Malgré ses gifles toujours plus fortes, l’histoire — que nous avions déclarée « terminée » — tente encore en vain de nous réveiller.

Dans ce sommeil, nous avons pris l’habitude de consentir au mal, de le dénoncer de façon intermittente, et de nous sentir justifiés quand nous ne le combattons ni en nous ni autour de nous. Nous avons préféré l’illusion à l’espérance et sombré dans une nuit où, non par hasard, on ne fait plus d’enfants. Nous avons relâché, sinon rompu, la « chaîne sociale » (Leopardi).

En théorie, l’originalité et le pouvoir d’attraction de la réponse « occidentale » au scandale du mal demeurent intacts. Cependant, sans un retour diffus à la pratique de l’espérance, il sera difficile à cette réponse d’avoir encore un avenir. En ces temps où, malgré les tout récents efforts de Léon XIV, même un Jubilé est souvent interprété comme un festival d’irénisme — un appât pour les rêves plutôt qu’un appel aux consciences —, les appels à une espérance qui ne peut aujourd’hui s’appuyer sur l’optimisme risquent de ne plus être entendus.

Voir, Luca Diotallevi: Il male esiste e non si può ignorare

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